ACTIONS DE PHILIPPE AUGUSTE À
PARIS
D’APRÈS RIGORD ET GUILLAUME LE
BRETON
A - De même, c’est un fait
que la même année 1183 de l’Incarnation du Seigneur, 4e année du règne du roi
très chrétien Philippe, ledit roi, sur la prière de beaucoup et surtout sur la
suggestion d’un de ses serviteurs que l’on voyait à cette époque parmi les plus
fidèles à s’occuper des affaires du royaume, acheta à Paris pour lui et ses
successeurs, aux lépreux installés hors de la cité, une foire qu’il fit
transférer dans la ville, à savoir au marché (forum) dit des Champeaux
où, sous l’action dudit serviteur qui était le plus excellent dans les affaires
de cet ordre, il fit construire pour le meilleur et plus grand profit des
marchands deux grandes maisons, que l’on appelle communément « halles », dans
lesquelles tous les marchands pourraient vendre leurs marchandises en temps de
pluie et les y conserver la nuit à l’abri des voleurs. Et pour plus de sécurité,
il fit élever un mur tout autour desdites halles, y faisant pratiquer des
portes en nombre suffisant qu’on devait clore toutes les nuit. Et entre le mur
extérieur et ces halles aux marchands, il fit ériger des étaux couverts pour
que les marchands ne cessent pas leur commerce par temps de pluie et ne subissent
aucun dommage.
Traduit du latin. Source :
Rigord, Gesta Philippi Augusti, éd. H.F. Delaborde, Oeuvres de Rigord
et de Guillaume le Breton, historiens de Philippe Auguste, t. 1, Paris
1882, § 20 (p. 33-34).
B - C’est en outre un fait
que […] Philippe, roi à jamais Auguste, de passage à Paris, comme il déambulait
dans la Salle royale en songeant aux affaires du royaume, s’approcha des fenêtres
du palais, d’où il avait parfois coutume de regarder le fleuve de Seine pour se
distraire l’esprit. Les charrettes tirées par des chevaux à travers la cité
remuaient la boue et soulevaient des puanteurs intolérables ; le roi déambulant
dans la salle ne pouvant les supporter, il forma alors le projet d’une oeuvre
ardue mais bien nécessaire, qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait osé aborder à
cause de son excessive gravité et du coût accablant des travaux. Ayant convoqué
les bourgeois avec le prévôt de ladite cité, il ordonna de son autorité royale
que tous les chemins et rues de toute la cité de Paris fussent pavées de dures
et fortes pierres. Le roi très chrétien entreprit de ce fait d’ôter son nom à
la ville : on l’appela initialement Lutèce en raison de la puanteur de la boue;
mais certains étrangers qui avaient horreur de ce nom en raison de la puanteur,
l’appelèrent Paris, du nom de Pâris Alexandre, fils de Priam roi de Troie. […]
Traduit du latin. Source :
Rigord, ibidem, § 37 (pp. 53-54).
C - Vers cette même époque
[1185], Philippe le magnanime, mû par une pieuse et royale indignation quant au
caractère intolérable de la boue des chemins de la cité de Paris, fit paver
tous les chemins des portes de pierres carrées. Et alors disparut pour la
première fois l’antique nom propre de la ville, qui était Lutèce. À ses
exhortations, d’autres cités et bourgades renforcèrent les chemins des portes,
les places, les ponts, toutes les entrées et sorties de pierres carrées et très
dures.
Traduit du latin. Source :
Guillaume Le Breton, Gesta Philippi Augusti, éd. ibidem, § 33 (p.
184).
D. Des nombreuses bonnes oeuvres du très chrétien roi Philippe
Auguste, nous estimons devoir noter celle-ci, assez digne de mémoire. Ainsi
donc, un jour que le roi Philippe Auguste faisait un séjour à Paris, on porta à
ses oreilles qu’il fallait restaurer le cimetière qui est aux Champeaux, à côté
de l’église des Saints-Innocents. Ce cimetière, de toute antiquité, était en
effet une grande place ouverte à tous, traversée par les passants et livrée à
la vente de marchandises, où les citoyens de Paris avaient coutume d’ensevelir
leurs morts. Mais comme les corps des défunts ne pouvaient y être inhumés
décemment en raison du rassemblement des eaux de pluies et de l’abondance d’une
boue fétide, ledit roi très chrétien Philippe, toujours soucieux des bonnes
oeuvres, considérant que cette oeuvre était honnête et très nécessaire, ordonna
d’enclore tout le cimetière par un mur de pierre qui en ferait le tour, et que des portes en nombre
suffisant y soient pratiquées, que l’on fermerait toujours la nuit contre les
rassemblements frauduleux. II estimait de fait, par une pieuse considération
digne d’attention, qu’un cimetière dans lequel tant de milliers de personnes
reposaient devait être conservé le plus propre possible par leurs descendants,
par crainte de Dieu.
Traduit du latin. Source :
Rigord, ibidem, § 47 (p. 70-71).
E - II ordonna aussi aux citoyens de Paris d’enclore avec toute la
diligence possible la cité de Paris, que le roi chérissait beaucoup, de très
bons murs dotés de tourelles convenablement disposées et percés de portes. Ce
que l’on vit achever en un bref laps de temps. Et le roi ordonna d’en faire
autant pour les autres cités et bourgades de tout le royaume.
Traduit du latin. Source :
Rigord, ibidem, § 71 (p. 105).
F. À cette époque, sur l’ordre du roi Philippe qui se préparait à
partir, ont été érigés les murs d’enceinte de la cité de Paris, depuis la
partie septentrionale jusqu’au fleuve de Seine, convenablement dotés de
tourelles et de portes.
Traduit du latin. Source :
Guillaume Le Breton, ibidem, § 52 (p. 191).
G - La même année [1212], Philippe, roi magnanime, entoura tout
Paris d’une enceinte depuis la partie méridionale jusqu’au fleuve de Seine,
englobant une très grande superficie de terre à l’intérieur des murs, et poussa
les possesseurs de champs et de vignes à louer ces terres et vignes à des
habitants pour qu’ils y construisent de nouvelles maisons, ou y bâtissent
eux-mêmes de nouvelles maisons, afin que l’on voit toute la cité pleine de
maisons jusqu’aux murs. Mais aussi, il dota les autres cités, villes et
communes du royaume de murs et de tours inexpugnables. Voyez et louez son
équité princière ! Bien qu’il soit licite, de par le droit écrit, de pouvoir
faire ériger pour le bien public du royaume des murs et des fossés sur la terre
de qui que ce soit, celui-ci [i.e. le roi], préférant plutôt l’équité au droit,
compensa de ses propres biens les
dommages encourus par ces hommes-là.
Traduit du latin. Source :
Guillaume Le Breton, ibidem, § 160 (p. 240-241).