dimanche 25 juillet 2010

Artistes

1. Les inscriptions des portes de bronze de Saint-Denis

Tels sont les vers inscrits sur les portes :
Qui que tu sois, si tu désires exalter la gloire des portes,
N'admire ni l'or ni la dépense mais le travail de l'oeuvre.
L'oeuvre noble resplendit, mais que cette oeuvre qui brille dans sa noblesse
Illumine les esprits afin qu'ils aillent, à travers de vraies lumières,
Vers la vraie lumière où le Christ est la vraie porte.

Quelle est cette lumière intèrieure, la porte dorée la définit ainsi :
L'esprit engourdi s'élève vers le vrai à travers les choses matérielles et,
plongé d'abord dans l'abîme, à la vue de cette lumière, il ressurgit.

Suger, De Administratione
(trad. F. Gasparri, Paris, 1996, p.117)


2. Échange de lettres entre Wibald, abbé de Stavelot, et un orfèvre. 1148

1. Frère Wibald, par la grâce de Dieu abbé de Stavelot et de Corbie dans l'Église catholique, à son cher fils G., orfèvre, salut et bénédiction.

Les hommes de ton art souvent ont l'habitude de ne point tenir leurs promesses, par la raison qu'ils acceptent plus de travaux qu'ils ne peuvent faire. La cupidité est la racine de tout mal. Mais un esprit élevé comme le tien, servi d'ailleurs par des mains habiles et illustres, échappe à tout soupçon de fausseté. Ton art commande la confiance; ton œuvre est inspirée par la vérité. L'effet répond à tes promesses et tes engagements s'accomplissent au temps fixé. Et si nous avons pensé à te rappeler tes promesses et les obligations contractées envers nous, c'est assurément en écartant la pensée que le dol et la fraude puissent avoir élu domicile auprès d'un esprit aussi distingué.

À quelle fin donc cette lettre? Simplement pour que tu t'appliques avec un soin exclusif aux travaux que nous t'avons commandés, écartant jusqu'à leur achèvement toute besogne qui pourrait y mettre obstacle. Sache donc que nous sommes prompts dans nos désirs, et ce que nous voulons, nous le voulons sans retard. Sénèque, dans son Traité des bienfaits, dit : «Celui-là donne deux fois qui donne vite. » Après celle-ci, nous nous proposons de t'écrire plus longuement du soin et de la conduite de ta maison, du régime de ta famille ainsi que des observations relatives à la direction de ta femme. Adieu.



2. Au Seigneur Wibald, par la grâce de Dieu, abbé de Stavelot et de Corbie, salut et obéissance de son serviteur G.

J'ai reçu les avertissements que tu m'adresses et qui découlent du trésor de ta bienveillance, avec autant de déférence que de plaisir. Ils ne me semblent pas moins acceptables par leur utilité et leur gravité que par l'autorité de celui qui les émet. J'ai confié à la garde de ma mémoire et je me suis bien pénétré du précepte que la bonne foi doit accompagner mon art, que mon travail doit être inspiré par la vérité, et qu'enfin mes promesses ne doivent pas être vaines.

Toutefois il n'est pas toujours possible à celui qui promet de tenir ses engagements; il dépend souvent au contraire, de celui auquel la promesse est faite d'en hâter ou d'en différer l'accomplissement. Si donc, comme tu le dis, tu es prompt dans tes désirs, et si ce que tu veux, tu veux l'obtenir sans retard, fais en sorte que je puisse courir à l'accomplissement de l'œuvre que tu désires. Car j'y cours et je continuerai à y courir, à moins que la nécessité ne m'arrête. Il faut que je te dise que ma bourse est vide et aucun de ceux que je sers par mon travail ne me donne quelque chose. Malgré les luminaires que tu as promis à ma femme je suis dans les ténèbres, et l'attente où je me trouve du bienfait annoncé, suspend celui qu'à ton tour, tu attends de moi. Et puisqu'il est dans la nature humaine de jouir doublement de l'abondance après avoir souffert du dénuement, je te prie d'apporter le remède, maintenant que tu connais la nécessité. Donne vite, afin de donner deux fois, et tu me trouveras aussi constant que fidèle, et tout dévoué au travail que tu me demandes de faire. Adieu.

Considère bien le temps qu'il y a du commencement de mai à la fête de sainte Marguerite, et de celle-ci à la fête de saint Lambert. Tu me comprends à demi-mot.

J. HELBIG, Bull. de la Gilde de Saint-Thomas et Saint-Luc, t. 111 (1874-1876), p. 211.



3. Les sculpteurs signent leurs œuvres

. Le moine Martin, admirable ouvrier en pierre, a sculpté cet ouvrage, sous l'épiscopat du grand Étienne. Tombeau de saint Lazare, Autun.

. Voici le portrait du sculpteur Arnau Catell, qui a construit un tel cloître, pour l'éternité. Sant Cugat del Vallès.

. Gilabert, qui n'est pas un inconnu, m'a sculpté. Statues, Saint-Étienne de Toulouse.

. Petrus Janitor a fait ce chapiteau, le premier. Chatillon-sur-Indre.

. Sculpté par Siméon de Raguse, habitant de Trani. Portail, cathédrale de Barletta.

. Regardez ceci, maître Sighraf. Fonts baptismaux d'Aakirkeby, île de Bornholm, Danemark. . .

. Raymond de Bianya [ou R. de Via] m'a fait et je serai statue. Pierre tombale, Elne.

. Deux fois deux étant ôtés de 1200, le sculpteur appelé Benedetto a commencé cette œuvre.

Baptistère, Parme.

. Cette œuvre est digne de grandes louanges, Jean l'a fait faire; par ce don divin, honneur et louange à Pellegrino qui a sculpté un tel ouvrage. Son œuvre resplendit partout. Candélabre, Sessa Aurunca.

Dans X. BARRAL I ALTET, La sculpture, Paris 1991, p. 84.

4. Matthieu Paris² d'après la Gesta abbatum Sancti Albani (1ère moitié XIIIe)

Il était si habile à graver l'or, l'argent et d'autres métaux, et à peindre des tableaux que l'on ne pense pas qu'il ait laissé de successeur dans le monde latin, il écrivit et illustra très magnifiquement les vies de Saint Alban, Saint Amphibalus, Saint Thomas et Saint Edmond, archevêque de Canterbury. [...] Il fut un moine religieux, un chronographe incomparable et un peintre tout à fait excellent. Il enrichit aussi le monastère de beaucoup de livres de sa main, ou émanant d'autres scribes, qui montrent suffisament combien il excellait par son savoir et son talent de peintre.
² M. paris est un moine de l'abbaye rurale anglaise de St Albans dans le Hertforshire.


5. Le labyrinthe de la cathédrale d'Amiens, 1288
(texte gravé autour de la pierre centrale)

Mémoire quand l'oeuvre de l'église de cheens fut commencé. Et comme il est écrit au milieu de la maison [de] Dédale en l'an de grâce 1220, l'oeuvre de cheens fut commencée.
L'évêque béni de ce diocèse était alors Evrard et le roi de France Louis qui fut fils de Philippe le Sage. Celui qui était maître d'oeuvre était nommé "Maître Robert" et surnommé "de Luzarches". Après lui vint Maître Thomas de Cormont et après celui-ci son fils Maître Renaut qui fit mettre, à cet endroit-ci, cette lettre [inscription] en l'an de l'Incarnation 1288.