mercredi 21 juillet 2010

Jeanne d'Arc

PROCÈS DE RÉHABILITATION DE JEANNE D'ARC

Articles de l'interrogatoire sur la patrie d'origine de feu jeannette, dite en français : la pucelle.
1. Du lieu de son origine et de sa paroisse ; 2. Item, qui furent ses parents, leur condition, s'ils étaient bons catholiques, et de bonne réputation ; 3. Qui furent ses parrains et marraines ; 4. Item, si dès son jeune âge, elle fut élevée comme il faut dans la foi et les bonnes mœurs, autant que le requièrent cet âge et cette condition ; 5. Item, de son comportement pendant sa jeunesse, de l'âge de 7 ans jusqu'à son départ de la maison paternelle ; 6. Item, si elle fréquentait volontiers et souvent l'église et les lieux saints ; 7. item, quelles étaient ses occupations occasionnelles ou habituelles pendant ledit temps de sa jeunesse ; 8. item, si à ladite époque, elle se confessait volontiers et souvent ; 9. Item, que dit la rumeur publique de cet arbre appelé arbre des fées, si des rondes de jeunes filles s'y font d'habitude et semblablement de la fontaine à proximité dudit arbre. Si Jeanne s'y rendait fréquemment avec les autres fillettes et pour quel motif ou à quelle occasion elle s'y rendait.

Déposition de Jean Moreau.
En premier lieu, jean Moreau de Greux, près le village de Domremy, laboureur, âgé de 70 ans environ, premier témoin de cet interrogatoire sur le fait de ladite Jeannette, dite en français la pucelle; se présente devant nous, prête serment et fut accepté comme témoin audit village de Domremy, et en présence desdits sires Pierre et Jean susdits. Il fut examiné par nous et par ledit Dominique, l'an du Seigneur 1455, mercredi 28 du mois de janvier. On lui demande sous serment ce qu'il savait de l'affaire à propos de laquelle il est cité comme témoin, et précisément du contenu des questions ou articles ayant trait à l'enquête sur le fait de ladite Jeanne, la pucelle. On lui rappela le serment prêté par lui sur les saints Évangiles de Dieu. On lui exposa tous les péchés que commet en une seule et même fois le faux témoin, prêtant faux témoignage; il méprise son créateur, en second lieu il trompe son juge, en troisième lieu il lèse son prochain et finalement il bâtit pour l'enfer et se rend infâme pour l'éternité.
Interrogé sur le point 1[...] et également sur les points 2 et 3, il dit par son serment que ladite Jeannette dont il s'agit est native dudit Domremy et qu'elle fut baptisée dans l'église paroissiale de Saint-Rémy dudit lieu. Son père était appelé Jacques d'Arc et sa mère Zabillet, de leur vivant laboureurs, et demeurant ensemble à Domremy. Autant qu'il le vit et le sut, ils étaient bons et fidèles catholiques, et bons laboureurs, de bonne réputation et de fréquentation honnête, en laboureurs qu'ils étaient, car il les fréquenta bien des fois. Ledit témoin ajouta dans sa déposition qu'il fut un des parrains de ladite Jeanne, et que ses marraines furent la femme d'Étienne Royer et Béatrice, veuve de Tiescelin, demeurant audit village de Domremy; ainsi que jeannette, veuve de Tiescelin, de Vittel, demeurant au village de Neufchâteau. Interrogé sur l'article 4 [...] il dit sur son serment que ladite jeannette dès son jeune âge était, à ce qu'il lui semble, bien et décemment élevée, dans la foi et les bonnes mœurs, et elle était telle que presque tous les habitants dudit village de Domremy l'aimaient, car ladite jeannette savait bien sa croyance, le Pater et l'Ave, comme les autres jouvencelles le savent. Interrogé sur l'article 5[...], il dit que ladite Jeannette était de fréquentation honnête comme l'est une fille de cette condition, car ses parents n'étaient pas bien riches. Pendant sa jeunesse et avant son départ de chez elle, elle allait à la charrue et parfois gardait les animaux aux champs. Elle faisait les travaux des femmes, filant, et faisant tout le reste.
Interrogé sur l'article 6 [...], il dit sur son serment, à ce qu'il vit, que ladite jeannette allait volontiers et souvent à l'église de l'ermitage de Sainte-Marie-de-Bermon, près ledit village de Domremy, pendant que ses parents la croyaient aux champs, à la charrue ou ailleurs. Il ajouta que quand celle-ci entendait sonner la messe et qu'elle fût aux champs, elle venait au village et à l'église pour entendre la messe à ce que ledit témoin assure avoir vu. Interrogé sur l'article 7[...], il dit que ladite jeannette filait et allait à la charrue et gardait les animaux comme il l'a déposé au cinquième article. Interrogé sur l'article 8[...], il dit qu'il vit ladite Jeannette se confesser à Pâques, et aux autres fêtes solennelles, il la vit se confesser à sire Guillaume Front, alors curé de ladite église paroissiale Saint-Rémy de Domremy. Interrogé sur l'article 9[...], il dit sur son serment que, au sujet de l'arbre dit des fées, il entendit dire ailleurs que des femmes, des personnes enchantées appelées fées, formaient jadis des rondes sous cet arbre. Mais à ce qu'on dit, quand on y eut lu et récité l'Évangile de saint jean, elles n'y vont plus. II dit encore que, de nos jours, le dimanche où l'on chante dans la sainte Église de Dieu, à l'introït, "laetare Jérusalem" au lieu-dit Les Fontaines, filles et garçons de Domremy se rendent sous cet arbre pour danser (et parfois aussi le printemps et l'été, les jours de fête) et parfois ils y déjeunent; au retour, ils passent par la fontaine aux groseilliers, folâtrent et chantent, boivent de l'eau de cette fontaine et, en jouant, cueillent des fleurs tout autour. II dit aussi que ladite Jeanne la pucelle y allait ces jours-là avec les autres filles et qu'elle faisait comme les autres, et il n'entendit jamais dire que ladite Jeannette dont il est question, toute seule ou autrement, fût allée à l'arbre ni à la fontaine (la fontaine est plus proche du village que l'arbre) sinon pour jouer et folâtrer comme les autres filles.

Messire Étienne de Sionne : Vénérable personne, messire Étienne de Sionne, curé de l'église paroissiale de Ronceux devant Neufchâteau et doyen de la Chrétienté, prêtre de Neufchâteau, âgé de 54 ans environ, sixième témoin cité dans cette enquête. [...] Interrogé sur les articles 4 [...], 5, 6, 7 et 8, répondit qu'il entendit souvent dire à messire Guillaume Front, de son vivant curé dudit village de Domremy, que ladite Jeannette appelée la pucelle était une fille bonne et simple, dévote, de bonnes mœurs, craignant Dieu, et qu'elle n'avait pas son pareil audit village. Elle se confessait souvent à lui. Il disait aussi que si Jeanne avait eu de l'argent à elle, elle l'aurait donné à son curé, pour dire des messes. I1 dit aussi que ledit curé disait que, tous les jours, quand il célébrait la messe, elle était là.

Perrin Drapier : dudit Domremy, âgé de 6o ans environ [...] interrogé sur les articles 4 [.. .] 7 et 8, dit sur son serment que ladite Jeanne la pucelle, au temps de sa jeunesse, quand elle eut l'âge de raison et jusqu'à son départ de 1a maison de son père, était une fille bonne, chaste, simple, réservée, ne jurant pas Dieu ni ses saints, craignant Dieu. Elle allait fréquemment à l'église et se confessait souvent. Il peut en parler savamment car il était alors marguillier de ladite église de Domremy et il voyait souvent ladite Jeanne venir à l'église pour la messe et les complies. Et quand ledit témoin ne sonnait pas complies, ladite Jeanne le reprochait vivement audit témoin, disant que ce n'était pas bien. Et ladite Jeanne avait alors promis audit témoin de lui donner des lunes [gâteaux] afin qu'il fit diligence à sonner complies et ledit témoin dit aussi que ladite Jeanne allait souvent avec une sienne sœur et d'autres personnes à une église et ermitage dits de Bermon, fondés en l'honneur de la bienheureuse Vierge Marie. Elle faisait largement l'aumône, travaillait volontiers, filant et faisant tous les travaux requis. Il lui arrivait aussi d'aller à la charrue et elle gardait les animaux à son tour.

Simonin Musnier : laboureur au village de Domremy, âgé de 44 ans environ, interrogé sur les articles 4, 5, 6 et 7, répondit sur son serment qu'il fut élevé avec Jeanne appelée la pucelle et près de la maison de son père. Il sait qu'elle était bonne, simple, pieuse, craignant Dieu et ses saints. Elle allait volontiers et souvent à l'église et aux lieux saints, réconfortait les malades, faisait l'aumône aux pauvres comme il le vit, lui. Quand il était petit, il ne se portait pas bien et ladite Jeanne le consolait. Il ajouta que quand sonnaient les cloches, elle se signait et se mettait à genoux. [...] Elle se confessait volontiers, à ce qu'on disait. Elle portait volontiers des chandelles à l'église devant Notre-Dame. Cela il le vit.

Zabillet : femme de Gérardin, d'Épinal, laboureur, demeurant audit Domremy, âgée de 50 ans environ […] interrogée sur les articles 4 […], 5, 6, 7 et 8, dit sur son serment que, dans sa jeunesse, elle connut le père et la mère de ladite Jeannette et jeannette elle-même, aussi longtemps qu'elle demeura chez son père et sa mère. Ladite Jeannette était élevée dans la foi catholique et les bonnes mœurs. Elle était aussi simple, bonne, réservée, pieuse et craignant Dieu, à ce qu'il lui semblait. Elle allait volontiers et souvent à l'église et parfois elle allait à l'église Sainte-Marie de Bermon. Elle faisait volontiers l'aumône, hébergeait les pauvres et demandait à coucher à la cuisine pour que les pauvres dorment dans son lit; on ne la voyait pas sur les chemins, mais elle se tenait à l'église en prière. Elle ne dansait pas, ce qui lui était souvent reproché par les autres filles et par d'autres […]. Elle se confessait volontiers et souvent, à ce qu'elle vit, car ladite Jeanne la pucelle était sa commère et avait tenu sur les fonds un nommé Nicolas son fils et elles étaient souvent ensemble, et elle la voyait aller se confesser à l'église à messire Guillaume, le curé d'alors.

Messire Henri Arnolin : discrète personne messire Henri Arnolin de Gondrecourt-le-Château, prêtre, âgé de 64 ans environ, interrogé [...] sur les articles 5, 6, 7 et 8, dit que ladite Jeanne depuis l'âge de 10 ans jusqu'à son départ de la maison paternelle était de bonnes mœurs, et bonne fille, cela il le vit. Elle fréquentait volontiers les églises et les lieux saints. [...] Il dit qu'elle se confessait volontiers et souvent. Ledit témoin l'a confessée 4 fois, trois fois pendant un carême, et une quatrième fois pour une fête et, à ce qu'il dit, c'était une bonne fille craignant Dieu, vu que quand elle était à l'église, elle était parfois prosternée devant le crucifix, et parfois, les mains jointes, elle levait le visage et les yeux vers le crucifix ou Notre-Dame.

Procès de condamnation et de réhabilitation de jeanne d'Arc, éd. J. Quicherat, t.II, Paris, 1844, pp. 385 - 392, 401/02, 412/13, 423/24, 426/27, 451/52, 458/59.


Chapelle Notre-Dame de Bermont
Probables représentations de Jeanne (XVème s)