mercredi 21 juillet 2010

Charte de franchises octroyée aux habitants de Blois (1196)


Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, amen. Je, Louis, comte de Blois et de Clermont, veut faire savoir en l’honneur de Dieu et pour l’utilité du pays (utilitas patriæ) à tous présents et à venir que, par amour de Dieu et pour le salut de mon âme, de l’âme de mon bon père, le comte Thibaud d’heureuse mémoire, et de l’âme de mes prédécesseurs (antecessores), avec l’approbation et le consentement de dame la comtesse Alix, ma mère, de mon épouse Catherine, de mon frère Philippe et de mes soeurs Marguerite, Isabelle et Alix, étant sauf le droit des églises et des chevaliers (milites),

[1] tous les hommes habitant (manentes) à Blois et dans la banlieue (banliva) de Blois qui me doivent la taille, ainsi que leurs héritiers, seront tenus par moi complètement quittes à l’avenir et reconnus exempts de la taille, de la maletôte (ablatio), de l’emprunt et du prêt forcé ;

[2] quiconque aura un hébergement (herberiagium) à Blois ou dans la banlieue de Blois paiera seulement chaque année 5 sous blésois, et il paiera également 5 sous pour chaque maison (domus) qu’il possédera outre son hébergement, à l’exception des pressoirs – à moins que les détenteurs (domini) y habitent (manere) ou qu’ils le louent à des tiers ;

[3] si l’hébergement vient à être divisé, il sera payé autant de fois 5 sous qu’il aura été formé de maisons séparées ;

[4] si une maison s’écroule de telle façon que l’emplacement reste vide, je ne prendrai rien jusqu’à ce qu’une maison soit de nouveau élevée sur cet emplacement ;

[5] ce cens (censa) sera remis (reddere) à moi ou à mon mandataire le jour de la fête de saint Hilaire [le 13 janvier] ; s’il manque quelque chose de ce cens qui doit m’être remis ce jour-là, ce qui manquera sera doublé et me sera rendu le lendemain en commun (communiter) par les bourgeois (burgenses) ;

[6] si les pauvres (pauperes) se plaignent d’avoir été trop chargés, il leur sera accordé une dispense  d’après l’avis et la décision des bons hommes (boni viri) qui formeront le conseil de la ville (consilium villæ) ;

[7] je tiens quittes et je délivre entièrement de tout joug de ma servitude tous ceux, habitant à Blois et dans la banlieue, qui étaient de condition servile (servili conditio) envers moi, leurs héritiers et leurs tenures ;

[8] quiconque veut vendre ce qu’il possède, qu’il le vende ; et s’il veut s’éloigner de la ville, qu’il se retire franc et quitte, à moins qu’il n’ait commis un délit ; et s’il a commis un délit, il l’amendera avant de s’éloigner, selon le jugement de la ville (ad judicium villæ) ;

[9] quiconque sera venu à Blois ou dans la banlieue de Blois pour y habiter pourra y habiter en remplissant ses obligations (justiciam faciendo) selon les coutumes de la ville ;

[10] les délits commis dans les vignes, les prairies, les vergers, les jardins, m’appartiendront comme auparavant ; […]

[18] quiconque aura son bien (possessio) à Blois ou dans la banlieue n’en perdra rien, pour quelque délit que ce soit, avant d’avoir pu comparaître en justice ;

[19] nul ne demeurant à Blois ou dans la banlieue ne fera pour moi le bian (biennum²) ou la corvée (corvata) hors de Blois   Initialement, devoir d’entretien bisannuel (d’où bidannum bian) du château comtal, élargi ensuite à diverses prestations en travail non agricole (par opposition à « corvée »)].

 [20] les habitants seront comme par le passé tenus envers moi au service militaire et, partout où je le voudrai, ils prendront part aux expéditions dirigées soit par moi, soit par mon mandataire, toutes les fois qu’ils en seront requis ; […]

[23] les meuniers recevront au poids les blés à moudre et les rendront au même poids ;

[24] nul n’achètera quoi que ce soit pour le revendre avant tierce ;

[25] je conserve le droit dont je jouis de vendre mon vin par manière de ban (ad bannum) ;

[26] toutes les fois que le prévôt (prepositus) de Blois, ou mes sergents (servientes), ou le châtelain (custos turris), qu’il soit chevalier ou sergent, prendront possession de leur office, chacun d’eux jurera (jurare) à son tour qu’il gardera fermement et de bonne foi toutes ces coutumes. J’ai en outre juré de ma propre main de les respecter fermement et fidèlement et, à ma demande (preceptum), ont juré [noms de 16 vassaux]. Les témoins sont [8 clercs, 6 laïcs].

Fait publiquement à Blois en ma cour (curia) et juré avec bonheur (feliciter) en commun par le peuple de Blois et affermi par un serment solennel (sacramentum). Afin qu’elle ne soit pas infirmée par la malice de ceux qui viendront ensuite, j’ai fait faire ces lettres et les ai fait confirmer de mon sceau. Donné l’an de l’incarnation du Seigneur mil cent quatre-vingt-seize, par la main de mon chancelier Thibaud, le septième jour de juin.

Source : copie du XVe siècle, éd. dans le Cartulaire de la ville de Blois, éd. Jacques Soyer, Guy Trouillard, Blois, 1903, p. 51-58 (traduit du latin).